Intrusion [Neige]

Comme tous les matins, Violine se dégagea doucement des bras de Shin avant de se lever. Son chef de meute ne pouvait s’empêcher de l’agripper durant son sommeil, comme s’il avait peur qu’elle disparaisse. Il n’en parlait jamais, mais la disparition de sa meute restait un grand traumatisme pour lui. Violine souffrait moins de cette perte, mais elle aussi, elle se sentait parfois seule. De temps à autre, elle ressentait une brusque envie d’être entourée de loups. La vie était tellement plus facile à ce moment-là. Shin était arrivé depuis quelques jours et elle n’avait pas pu lui en vouloir d’avoir essayé de la tuer. Elle qui pensait abandonner la grotte, ils y avaient finalement élu domicile pour une durée indéterminée.

Elle sortit de la grotte. A l’extérieur, le soleil état déjà haut dans le ciel. Il faisait un froid glacial, mais elle n’était pas sensible. Elle se transforma en louve et s’enfonça dans la forêt en silence. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas mangé et elle avait bien envie d’une partie de chasse. Elle trouva la piste d’un animal et se mit à sa poursuite. Silencieuse sur l’épaisse couche, elle filait entre les arbres. Alors qu’elle se rapprochait de son but, elle sentit l’esprit de Shin toucher le sien. Quand ils se parlaient sous forme lupine, ce n’était pas par mots mais plutôt par images et sensations. Il lui signala qu’il y avait une présence inhabituelle dans la forêt. Normalement, à part eux, quelques animaux et de rares habitants des villages environnants, il n’y avait pas ghrand monde dans ce coin. Il lui demanda d’être prudente. Si elle avait été sous forme humaine, Violine aurait sourit froidement. Ce n’était pas dans ses habitudes. Elle décida d’aller voir ce qui se passait. Personne ne pouvait fouler le territoire des loups sans qu’elle le sache.

Elle se mit à courir et déboula dans la clairière où se trouvait la présence inconnue. Elle se campa sur ses quatre pattes et grogna d’un air menaçant. Elle faisait clairement comprendre à l’inconnu qu’il n’était pas la bienvenue. On aurait pu croire à une simple bête sauvage si on ne voyait pas la lueur humaine dans ses yeux.

Ce sentiment... De bien-être. Une douce chaleur fraîche qui envahit tout le corps, depuis les talons jusqu'au bout des doigts et des lèvres. Ce petit vent rafraîchissant qui se glisse sous les tissus pour caresser tendrement la peau. Neige frissonna.

Plongée dans son élément, elle se sentait bien. Cette douce euphorie embrumait délicatement son esprit et décuplait ses sens. Où était elle ? Quand et comment était-elle arrivée jusqu'ici ? Elle n'en savait plus rien. Seule comptait cette symbiose délicate avec cette infinité de flocons qui l'entourait.

Elle glissa ses doigts très pâles dans la poudreuse murmurante. Sous ses pensées, ses humeurs, la neige et la glace se pliaient, se tordaient pour finir par se figer dans les formes voluptueuses que laissaient naître son imaginaire. Toutes ses inquiétudes fondaient au loin, prisonnières d'un océan de glace qui les dissolvait doucement.

Couchée là depuis une éternité, Neige s'assit en tailleur. Elle fît des cercles dans la poudre de glace avec ses doigts fins, dessinant moult figures qui ne tardaient à être dévorées par le vent. Peu importe, elle était heureuse et sereine. Elle ne faisait qu'un avec son environnement.

Un bruit sourd l'extirpa un peu de sa torpeur. Neige tourna la tête pour apercevoir un... Animal. Un bien étrange animal.

C'était une sorte de loup au pelage très sombre et aux yeux clairs et limpides, comme deux rubis étincelants d'humanité. L'attitude du canidé n'exprimait qu'agressivité et colère, concepts qui avaient du mal à parvenir à l'esprit de l'Antipode quand elle était plongé dans son élément – qui plus est, quand ledit élément était aussi pur.

Elle se leva doucement et épousseta délicatement son pantalon couvert de poudreuse. Ses yeux, oscillant entre le vert et le rouge, se posèrent sur l'être qui se tenait en face d'elle. Elle pouvait clairement ressentir l'aura ténébreuse qui s'en dégageait.

« Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? »

[Désolé du retard, samedi c'était la panne sèche niveau inspiration...]

Si elle avait été sous forme humaine, Violine se serait mise à ricaner. Mais en louve, c’était un peu plus dur. Elle se contenta de retrousser les babines, étirant sa gueule en un étrange sourire. Apparemment, l’être vivant en face d’elle n’avait aucune idée du danger qu’il encourait. En trois sauts, elle pouvait être à ses pieds et d’un claquement des mâchoires, elle aurait pu se repaître dans sa chair. Ou alors lui faire peur et s’engager dans une course. Mais cela n’était que fantasme. Elle savait que Shin lui passerait un savon. Il ne fallait pas qu’ils se fassent remarquer. Avec un grognement, elle s’assit sur le sol et enroula sa longue queue duveteuse autour de ces pattes. Elle s’adressa mentalement à la jeune femme. Cette dernière reçut quelques images aléatoires le temps que la louve retrouve le sens des mots puis elle put entendre une voix. Quand Violine communiquait ainsi, sa voix était désarticulée et elle donnait l’impression de venir de toute part.

« Qui es-tu ? Que fais-tu sur ces terres ? Tu devrais savoir qu’il peut être dangereux de se promener sur un territoire qui ne t’appartient pas. Réponds à mes questions ! Sinon, il est fort possible qu’un morceau de ton corps finisse dans ton estomac. »

La pensée était un peu décousue mais le sens était là. Quand elle était sous forme de louve, Violine avait du mal à penser comme une humaine. Toutes les pensées venaient d’un seul coup et elle avait souvent quelques difficultés à les remettre dans l’ordre. La louve se leva et vint renifler la jeune femme. Elle sentait les Ténèbres à plein nez. Finalement, elle n’allait peut-être pas la manger.

« Tu es des Ténèbres, tout comme moi. Sais-tu où sont nos compatriotes ? pourquoi la Lumière existe-t-elle encore ? Viens, allons faire couler le sang de ceux qui ne méritent pas de vivre. Ils nous prennent notre puissance. N’as-tu pas envie de devenir forte ? Où sont les autres ? »

Le museau de la louve s'étira en un sourire étrange, fixant toujours l'Antipode de son regard perçant. Cette dernière fronça les sourcils et s'éloigna d'un pas. Ses mains se mirent à luire d'une aura bleutée et glaciale. Neige se préparait à une éventuelle attaque du canidé qu'elle aurait bien de mal à esquiver, étant donné la distance qui séparait les deux.

L'animal s'assit silencieusement, toisant la jeune femme de son regard rouge sang. Neige se mit en position de défense au grognement de la bête. Elle balaya les alentours : La poudreuse serait probablement une grande alliée, si elle devait se battre. Neige posa un genou à terre, puis une main. Elle était ainsi prête à bondir de côté ou à manipuler directement la poudre angélique.

Quelques images lui vinrent à l'esprit... Brouillée, elle posa sa main sur son visage. Cette vision lui faisait très mal au crâne, et elle ne parvint pas à retenir un grognement de douleur. À travers ses doigts, elle maintenant l'animal en visuel. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle était persuadée que toute cette imagerie mentale venait de cette bête.

Les images laissèrent place à une voix.

« Qui es-tu ? Que fais-tu sur ces terres ? Tu devrais savoir qu’il peut être dangereux de se promener sur un territoire qui ne t’appartient pas. Réponds à mes questions ! Sinon, il est fort possible qu’un morceau de ton corps finisse dans ton estomac. »

Neige fit un bond en arrière pour maintenir une certaine distance entre les deux êtres des ténèbres. Elle secoua la tête et posa ses mains sur le sol. La lueur bleutée disparu dans la neige, qui prit la forme de fins piques de glaces dirigés vers l'animal. Simple précaution.

L'antipode passa sa main sur la poignée de sa rapière, avant de l'agripper et de la pointer vers la louve. Il était hors de question que cet animal la mette en danger.

« Tu es des Ténèbres, tout comme moi. Sais-tu où sont nos compatriotes ? pourquoi la Lumière existe-t-elle encore ? Viens, allons faire couler le sang de ceux qui ne méritent pas de vivre. Ils nous prennent notre puissance. N’as-tu pas envie de devenir forte ? Où sont les autres ? »

Les yeux de Neige, alors plissés et méfiants, s'arrondirent. Elle baissa sa garde.

« Devenir forte... »

Elle baissa les yeux et laissa son regard se noyer dans l'étendue de glace.

« Bien entendu, je veux devenir forte... Mais... On m'a raconté un jour que ce n'est que parce que la Lumière brille que les ombres se détachent du néant... »

Ses yeux se relevèrent de quelques mètres, suivant le cours de sa pensée.

« Tu es un être des ténèbres, tout comme moi. Tu n'as pas peur que, si la Lumière disparaissait, on disparaîtrait avec elle ? »

Elle marqua une pause.

« Tu... N'as pas l'air convaincue... »

La louve se détendit en même temps que l’inconnue baissa sa garde. Violine aimait faire couler le sang, mais elle préférait éviter quand c’était aussi un être des Ténèbres. Ce n’est pas en attaquant de possibles alliés qu’elle allait redonner à sa race sa puissance d’antan. Quand l’inconnue lui posa des questions, elle se dit qu’il serait plus simple de retourner sous forme humaine pour discuter. Sa silhouette se brouilla et en quelques secondes, son corps s’étira. A la place de l’animal apparut une jeune femme qui se trouvait dans la même position. Violine se releva et s’étira, puis épousseta son pantalon.

« En effet, je ne suis pas convaincue. Si c’était le cas, pourquoi la Lumière continuerait à combattre également ? Si un équilibre devrait être trouvé, alors les deux camps essaieraient d’en trouver un. Mais ce n’est pas le cas. Il y a quelques années, la Lumière a tenté de détruire les Ténèbres. Ils n’ont pas réussi. A présent, il est temps de se venger. »

En temps normal, Violine n’était pas très loquace. Mais si on la lançait sur le sujet de l’opposition Lumière et Ténèbres et pourquoi la Lumière devait disparaître, elle était intarissable.

« C’est simple de comprendre cela. Que convoitent la Lumière et les Ténèbres ? Le pouvoir. La domination des mondes. Or, ce n’est pas quelque chose que l’on peut séparer indéfiniment. »

Ses yeux brillaient d’un éclat furieux.

« Ce pouvoir, à force d’être ainsi tiraillé de tous les côtés, s’épuise. Il est grand temps que quelqu’un l’acquiert en entier. Tant qu’on y ait, autant que ce soit nous. N’es-tu pas d’accord ? »

C’était plus une question rhétorique qu’autre chose. De toute façon, elle n’acceptait pas que l’on soit en contradiction avec elle sur ce point-là.

Derrière l’inconnu, elle pouvait voir une forme et elle ne se doutait pas que c’était son chef de meute qui la surveillait. Il n’allait pas intervenir et rester dans l’ombre tant qu’elle ne serait pas en danger de mort. Mais il se sentait obligé de la surveiller. Mais Violine était sûre qu’il n’allait pas avoir besoin de venir.

« En tout cas, si tu es prête à me rejoindre dans ma lutte contre la Lumière, tu es la bienvenue. En ces temps difficiles, il faut savoir faire preuve de solidarité. »

Aucune réponse de la part de l'animal dans l'immédiat. La louve se contenta de s'étirer, et les contours de sa silhouette commencèrent à se brouiller pour n'être plus que chimère. Peu à peu, son apparence canine se transforma en une forme plus humanoïde. Désormais, ça n'était plus un loup qui faisait face à l'antipode, mais une femme d'à peu-près son âge.

« En effet, je ne suis pas convaincue. »

Neige leva un sourcil, surprise par la spontanéité de la réponse de son interlocutrice.

« Si c’était le cas, pourquoi la Lumière continuerait à combattre également ? Si un équilibre devrait être trouvé, alors les deux camps essaieraient d’en trouver un. Mais ce n’est pas le cas. Il y a quelques années, la Lumière a tenté de détruire les Ténèbres. Ils n’ont pas réussi. A présent, il est temps de se venger. »

L'antipode pencha légèrement la tête sur le côté. Même si elle n'avait pas connu une quelconque guerre entre la lumière et les ténèbres dans ce monde, ou tous ceux qui l'entouraient, il s'était produit un événement similaire il y a quelques temps de cela, dans son propre univers. Et là, elle avait été aux premières loges pour y assister – et comprendre à quel point, quelques fois, la lumière pouvait être destructrice et sans pitié.

Elle fut coupée net dans son raisonnement par l'autre jeune fille qui reprit la parole. Au fur et à mesure qu'elle enchaînait les mots et les phrases, l'antipode pouvait clairement sentir grandir en elle la rage, la fureur et l'impatience d'aller au combat.

« C’est simple de comprendre cela. Que convoitent la Lumière et les Ténèbres ? Le pouvoir. La domination des mondes. Or, ce n’est pas quelque chose que l’on peut séparer indéfiniment. Ce pouvoir, à force d’être ainsi tiraillé de tous les côtés, s’épuise. Il est grand temps que quelqu’un l’acquiert en entier. Tant qu’on y est, autant que ce soit nous. N’es-tu pas d’accord ? »

Cela faisait beaucoup de données à analyser d'un coup. Contrairement à ce qu'elle avait dit jusqu'à présent, elle était incapable de faire le parallèle entre ce discours-là et ce qui était arrivé dans son microcosme. Cette idée de pouvoir... Quelque chose tiquait. La lumière ne pouvait pas être totalement corrompue, pas vr-

Elle fut à nouveau coupée net dans son fil de pensées. Mais cette fois, son interlocutrice n'y était pour rien. Un simple souvenir. Le dernier qu'elle avait réussi à enregistrer, dans son monde.

La raison pour laquelle elle était ici aujourd'hui n'était pas tapie dans l'ombre, mais baignait bel et bien dans la lumière. Après tout, pourquoi pas ? Pourquoi se laisser marcher sur les pieds ? Mais d'un autre côté... Pourquoi ne pas imposer cet équilibre, si nous avons le pouvoir de le conquérir en entier ?

« En tout cas, si tu es prête à me rejoindre dans ma lutte contre la Lumière, tu es la bienvenue. En ces temps difficiles, il faut savoir faire preuve de solidarité.
- J'accepte. »

Surprenant, n'est-ce pas ? Ce changement de point de vue brusque et soudain. Neige plongea son regard dans les yeux de la jeune fille.

« Qu'est-ce que je dois faire ? »

[Désolé du retard...]

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